samedi 7 février 2009

Fin et suite

Quelques jours avant sa performance au FRAC PACA en 2005, assis à une terrasse du Panier, j’essayais de discuter avec John Bock sur le fait qu’il soit constamment associé à l’héritage des avant-gardes historiques (surtout le Cabaret Voltaire et dada). Serait-il une machine à recycler l’histoire de l’art ? Les questions semblaient se perdre dans son imparable flux de pensée, rebondissant en permanence, sans structure ni logique, un corps en éveil, absorbé par lui-même. Il s’arrête un peu, puis tire : « Quand on regarde un film d’Hollywood des années 1930, on croit voir des meubles des années 1930 et l’on oublie qu’ils utilisaient aussi des meubles vieux de trente ans. Ce n’est pas un pas après l’autre, pas une dialectique de progression mais un mixage ».
Il est loin d’être seul à vouloir se saisir de l’actualité du modernisme. De quoi hérite-on ? Plutôt que de « l’échec » des projets collectifs, des idéologies ou des mouvements artistiques, les artistes semblent hériter, plus bêtement, de ce discours des « fins », terriblement idéologique. Une rengaine qui voudrait clore une saison où la pensée s’autorisait à échafauder des outils pour la transformation des structures sociales (certes, nourrie parfois d’une « croyance »). Cette assertion, qui continue de dominer les discours sur l’art, se traduit dans des sous-thèmes : le passage des idéologies à des « micro-récits » (plus sympathiques), la fin des mouvements et groupes organisés d’artistes et l’avènement d’un paysage de l’art finalement apaisé, pluriel, dialoguant, démocratique, et dont, n’oublions pas, la position centrale est assumée par le spectateur, cette entité toujours autre.
Et bien, le contexte ou « milieu » de l’art n’a jamais, pas un seul moment, laissé d’être traversé par des conflits, tensions, oppositions vives et indistinctes, familles formelles, proximités idéologiques, guerres intellectuelles, refus radicaux et collaborations intenses. Et le défi, ne serait que pour ceux qui écrivent sur l’art, devrait être d’essayer d’identifier un débat, d’articuler en réflexion ce que n’est au départ qu’une lecture des pratiques distinctes et des correspondances entre des artistes dans un espace contradictoire, conflictuel et mouvant (y compris dans la tête de chacun).
Le travail et le rôle du critique d’art ont été profondément bouleversés, ces dernières années, concernant le rapport entre périphérie et centre dans la production et la circulation du débat critique, à travers la dynamique de réseau constituée par le web. Mais, d’un point de vue strictement personnel, la question me semble être restée la même : comment traduire la dynamique nerveuse, l’urgence, la fulgurance parfois, de la création artistique en interaction avec un contexte ? Comment cela agit-il sur ma perception de la ville ? Si l’espace virtuel du web permet la construction de communautés d’échange affranchies de la géographie urbaine, la ville résiste, les corps aussi. Le deuil à faire c’est sans doute celui de l’idée de « scène locale », surtout quand celle-ci est envisagée comme la mise en scène d’une identité. C’est suivant ce constat que j’essaie d’esquisser ici une lecture transversale de certaines pratiques artistiques, à partir d’un choix concernant une jeune génération d’artistes avec laquelle j’ai pu engager un dialogue en suivant leurs expositions à Marseille.

Bettina Samson, The World is yours, Cook’s tours, 2005 (Installation, peinture murale, calendrite aluminium) crédit photo: Magali Lefèbvre

L’un des traits identifiables de cette génération concerne leur façon d’enchevêtrer des références d’une façon plus complexe et contradictoire que la simple citation au vocabulaire de l’histoire de l’art ou que le renvoi à la vie « quotidienne » par l’utilisation du ready-made. Ils peuvent éventuellement s’appuyer sur ces deux dimensions mais créent des connexions à la façon d’une navigation très habile sur un moteur de recherche. Quand Bettina Samson s’intéresse à l’histoire de la technologie ou de la science – la découverte des rayonnements radioactifs par Henri Becquerel, l’ouverture de l’immense centrale électrique Klingerberg dans Berlin des années 20, les dispositifs optiques pré-cinématographiques des foires ou le piratage de la fréquence radio d’un aéroport –, ces recherches sont contextualisées dans un environnement culturel plus vaste, englobant la guerre froide, Kraftwerk, l’usage scientifique de la photo ou les roads movies de Monte Hellman. Ce désir à déterritorialiser l’art semble s’intéresser à la façon comme désormais nos cerveaux codifient l’information. Face à l’accélération, plutôt que la stratégie de « détournement » (le mot magique des années 90), Bettina Samson cherche, avec une intensité rare, à créer du sens avec les matériaux de connaissance du monde. A rebours des constats sur le bombardement d’images auxquelles on serait assujettis, théorie des vaches qui regardent les trains, l’enjeu reste celui d’envisager les possibilités pour une action et une pensée émancipatrices (soient-elles dans le contexte spécifique de l’exposition).

L’
«ironie», envisagée en tant que stratégie subversive peut parfois accuser les symptômes d’une réponse conformiste et conforme, surtout au moment où l’histoire de l’art lui accorde une place incontournable. Le dynamitage des mythes, le sarcasme, la satire, le détournement d’inspiration situationniste, sont désormais bien plus qu’une branche de l’histoire de l’art, ils en constituent une racine, une « tradition » (même contrariée) des pratiques contemporaines. Dans la proximité de ce pôle, certains artistes y voient cependant un potentiel de résilience négative, au sens d’un refus radical à enjoindre la positive attitude, de surcroît « constructive ». Mais dans l’ironie, ils semblent préférer l’attitude minimale à la blague communautaire.

Alexandre Gérard, Quoi feuze ?, 2002 (Photographie couleur contrecollée sur aluminium Dibon, 30 x 20 cm)

Alexandre Gérard
s’intéresse au langage du corps quand il est confronté à ses réflexes conditionnés, ses répétitions involontaires (qu’il s’agisse des réactions des visiteurs d’une galerie, marchant dans le vide d’une fausse marche, ou des réponses électriques des passants à l’angle d’une rue où une barrière donne l’impression de les rejeter du champ magnétique). Le malentendu est ici le principe même de la communication, comprise comme un apprentissage forcément défaillant, où le langage et les corps sont en désajustement permanent.

Damien Berthier, Vaisselier/Simone, 2008, verres, saladiers, cadre bois et miroirs (1er plan).
Sans titre, 2008, chaises dimensions variables (2ème plan). Exposition Meublé à Louer à la galerie Espace à Vendre, Nice


Cette dimension performative se trouve aussi dans le travail de Damien Berthier, plus proche d’un burlesque sans emphase, laconique, en quête d’équilibre (vertigineux, soit-il), à travers des tentatives de rangement et classement, ou la construction de structures par l’empilement instable de chaises, seaux ou échelles. Plus déterminant que la stabilité c’est ici la captation d’un point d’équilibre, indissociable d’un attrait pour le désordre ou la chute.

John Deneuve, Catherine Deneuve (installation à la galerie Porte Avion, 2006)

L’humour chez John Deneuve est une stratégie plus classique d’exploration de l’absurde inhérent au langage, à travers des mises en scène (une salle d’attente, un salon où sont attablés deux couchons d’inde) interceptés par des virus sonores (un dialogue extrait d’un film, un bilan d’incompétences), s’aventurant dans les zones d’un non-sens salace, provocateur, si l’on évacue « l’automatisme » d’inspiration surréaliste. Mais le dynamitage par l’ironie se fait plus rare, après avoir quasiment dominé le tournant des années 90.

Face à dématérialisation progressive de certaines pratiques culturelles (le mp3 remplace le cd, le blog remplace le fanzine, le numérique remplace l’analogique), mais aussi face à l’essor de la vidéo et des technologies dans le champ de l’art, il est curieux d’analyser la vitalité actuelle de la sculpture. Mais, peut-être plus importante dans l’analyse de ce reflux, c’est l’exténuation de pratiques exploitant le filon interactif, « relationnel », dont le discours anti-formaliste, fortement politique au moment de la génération émergente des années 90 s’est vu progressivement remplacé par une vague intentionnalité d’inclusion des publics, aux relents très conformistes. Les « agents culturels » ayant compris l’intérêt de ces activités dans la vaste plaine de la médiation culturelle, l’art a ainsi été enjoint à participer au consensus de la confirmation des liens sociaux, plutôt que le choix de faire dissension, de risquer de couper la communication, d’être violemment incompréhensible, voire désagréable. A force de petites interventions bienveillantes à l’attention du public, de micro-événements modestes, certains artistes ont finit par leur préférer le terrorisme passionné, l’érotisme des matières, la débauche d’une serre électrique et d’un fer à souder. Et parfois, sans renier ce qui était définitivement aboli : le romantisme.

Yannick Papailhau, Projet improbable de lancement d’un socle dans un espace à déterminer, 2008, exposition Astérides à la Générale © Cédric Schönwald

Le bricolage fantasque de Yannick Papailhau s’élance dans la « conquête des arts plastiques de l’espace » avec des sculptures-catapultes dont l’ambition cosmique est contrariée par un bric-à-brac laissant apparentes les connexions aux circuits électriques terrestres, les ficelles d’un système chaotique. Les dessins « techniques » et surtout, les récits qui accompagnent ses projets, irriguent ses œuvres d’un nerf romantique, n’ayant pas peur des expéditions avortées, des explosions au vol, des épopées dérisoires, des mécanismes en boucle.

Sarah Tritz, vue générale de l'exposition à la Galerie de la Friche la Belle de Mai, Marseille, 2007 © Jean-Christophe Lett, courtesy Astérides

Les « meubles » et sculptures rocailleuses de Sarah Tritz, à la brutalité précieuse, cultivent une attirance par les déchets du formalisme : le lyrique, le décoratif, l’investissement affectif des matériaux. L’ensemble est néanmoins exposé au milieu d’un paysage bombardé, avec la beauté abstraite des ruines.

Emilie Perotto, Black sculpture, 2007 (bois aggloméré, mélaminé, 115 x 39 x 39 cm)

Tandis que maitrise formelle des sculptures d’Emilie Perotto ne s’oppose pas au désordre méticuleux de ses compositions, ni le «fait main» au design, dans un montage disruptif qui fait l’abstraction rentrer en collision avec des figures sculptées proches de l’image.
L’un des traits d’une certaine sculpture contemporaine consiste à composer par assemblage de matériaux, moins pour ses « qualités » esthétiques que par une lecture de leurs usages dans un champ élargi de la culture visuelle, allant du design industriel à l’architecture, des fluo kids aux fétichistes du cuir. Ce potentiel d’évocation des matériaux et des formes joue de notre capacité à exercer l’œil dans un environnement culturel forcément impur, complexe et luxueusement incohérent.

Yann Gerstberger et Sandro Della Noce, mister helicopter mathematic and the cheap & cheap three free freaky fruits, (détail) 2007. courtesy galerie Histoire de l'Oeil

Des plus jeunes artistes comme Sandro Della Noce ou Yann Gerstberger y naviguent avec l’aisance donnée par l’accès à des bibliothèques entières à la portée d’un click. La gourmandise formelle de leurs sculptures semble vouloir donner un coup fatal au programme de l’abstraction « autonome » : est-il encore possible de parler d’abstraction quand, aujourd’hui, tout signe visuel semble rentrer immédiatement dans une chaîne de significations ?

Julien Tiberi, Le Panthéon, 2008 (dessin mine de plomb, 50x70 cm)

La citation, le sampling formel, la référentialité, s’affranchissent de l’histoire de l’art pour investir d’autres matériaux culturels. Julien Tiberi peut emprunter le trait d’auteurs issus d’une histoire souterraine du dessin (des BD porno des années 30 ou des journaux illustrés du début du XX siècle), il les réinscrit dans un contexte actuel où cohabitent des systèmes de communication à plusieurs vitesses (le fax et la photocopie, la poste et internet).

Marion Mahu, The Flying Dutchman, 2007 (vidéo)

Si Marion Mahu redessine au mur une illustration de l’encyclopédie de Diderot, représentant l’invention d’une lampe à photons et la transforme ensuite en aspirateur de lumière, c’est pour mieux renverser l’idéologie du progrès issue des Lumières, tandis que les « effets spéciaux » d’une tornade maritime presque irréelle, sont accompagnés d’un lointain bruissement aux échos de sirène (en fait, il s’agit du grésillement d’un opéra, premier enregistrement sonore connu, réalisé par Edison sur cylindre en paraffine).

Anthony Duchêne, Why do things get in Phishing ?, 2008 (vitrine d'appeaux, cire caoutchouc, aluminium, verre, bois, 110 x 90 x 40 cm)
Photo: Jean-Christophe Lett, courtesy: Galerie Bonneau-Samames


Anthony Duchêne s’intéresse au potentiel sémantique du son, en transférant ses codes et modalités de fonctionnement dans d’autres systèmes de connaissance, qu’il s’agisse du monde sous-marin, d’instruments de mesure de séismes ou de l’étude de l’oreille interne. Les circuits d’information visuelle et sonore sont interceptés, sans qu’il soit possible de discerner l’exactitude de ses schémas à l’apparence scientifique, surtout lorsque son travail exploite souvent la figure du leurre sonore (appeaux, piratage des lignes téléphoniques).

Cet intérêt pour la science et l’histoire des technologies est souvent indissociable, dans leurs recherches, des représentations dérivées dans la musique, le cinéma ou la littérature de « genre », comme la science-fiction. Cependant, il s’agit moins d’un rapport à l’idée d’ « utopie » comme projection irréalisable (ce qui correspond aussi à une certaine lecture idéologique du mot) que de son potentiel à agir sur le réel par le biais des représentations fictionnelles. Pour ces artistes, la fiction participe à l’invention du réel.

Alexandra Pellissier, sans titre, 2006 (crayon sur papier, 108 x 80 cm), courtesy: Galerie Bonneau-Samames

Les dessins d’Alessandra Pellisier reprennent un mode «hyperréaliste » qui déstabilise le regard en quête d’échelle ou de mimétisme documentaire. Des énormes machines industrielles de l’époque soviétique sont posées comme des monuments oubliés au milieu d’un parc : à travers le motif de la ruine, l’artiste semble vouloir examiner les fictions du présent à la lumière des utopies passées.

Le politique n’est évidemment pas une réserve à l’extérieur de l’art, un « sujet » à traiter parmi d’autres, il dynamise et traverse l’ensemble des choix artistiques. Quelquefois, certains projets peuvent emprunter à sa dimension la plus explicite, associée aux modalités d’action collective.

Colin Champsaur, Monument, mai 2007 (vidéo)

Dans le cas de Colin Champsaur, manifester est un acte solitaire mais persistant : posée sur un transporteur, une étrange machine noire, encombrée d'appareils à l’apparence inutile, s’entête à émettre une version électronique de L’Internationale, toute en produisant un faisceau de lumière défaillant. Y-a-t’il un projet derrière ce sound-system, à la fois enfermé dans une boucle autiste et joyeusement décidé à continuer de fredonner son combat au détour d’une rue ? Monument a la beauté triste d’une solitude partagée, semblant faire écho à des voix dissidentes de la pensée contemporaine, tels Slavoj Zizek ou Alain Badiou, qui persistent à enquêter sur le potentiel d'action politique et esthétique de la modernité.

Mathieu Abonnenc, Le Monde Connu, 2008 (vue de l’exposition à la Galerie Ghislaine Hussenot)

Dans ses dessins tirés d’illustrations de missions coloniales du XIXe siècle, parsemés d’espaces vides, d’oublis, Matthieu K. Abonnenc semble intégrer l’apport des études post-coloniales, d’Edouard Glissant à Stuart Hall, pour explorer les rapports entre mémoire et représentations, signalant l’artifice d’une Histoire commune.

Olivier Bedu, Le Cabanon vertical (Ste Marthe, Marseille, 2002)

Olivier Bedu et sa plateforme d’action collective, le Cabanon Vertical, envisage l’architecture comme un territoire expérimental qu’il s’emploie à ouvrir aux usages, voire à l’appropriation, à partir des notions d’auto-construction et d’architecture autogéré (impliquée dans l’idée même de cabanon) ou en s’inscrivant très spécifiquement dans les contextes dans lesquels il expose (ou qu’il expose), comme c’était le cas de sa fausse agence immobilière à proximité des travaux de « rénovation » urbaine.

Rémi Bragard, midi dix, 2008 (parapluies, tubes cuivres, aluminium miro-silver)

Dans le travail de Rémi Bragard, le principe de construction, souvent à caractère éphémère, participe d’une idée de la sculpture plus liée au dispositif qu’au volume, modélisant le réel à la façon d’un jeu meccano. L’intérêt qu’il porte aux mécanismes techniques d’activation de ses œuvres est en contre-champ d’une économie radicale de moyens, vouant ses sculptures à la disparition progressive ou à l’explosion. A rebours de la métaphore, le pouvoir de signification de ses œuvres réside dans la littéralité de leur activation.

Marie Grégoire, Campanile, 2008

Les sculptures de Marie Grégoire, dont l’échelle imposante semble induire une distance froide, se trouvent paradoxalement chargées d’un défi très personnel, cherchant à démolir le stéréotype d’une sculpture de « genre », où les femmes seraient vouées aux matières souples plutôt qu’à l’acier ou à la charpenterie. S’intéressant de près à ces derniers métiers, à la construction navale, aux modèles de construction géodésique de Buckminster Fuller, ainsi qu’à l’art minimal, elle introduit une déstabilisation, quand ce n’est pas le désastre, dans l’ordre équilibré et rationnel de constructions évoquant l’optimisme technologique des expositions universelles.

Cette quête de ses propres limites, qui peut aussi se traduire dans un désir de désapprendre des gestes conditionnés, laisse percevoir une position romantique, qui semble avoir résistée à toutes les entreprises de déconstruction modernes. Dès le début de cette démolition, ses opposants les plus virulents, les guerriers du lyrisme, se trouvaient du coté de la peinture, donnée un temps pour morte. Si cette logique bipolaire continue quelquefois à faire office d’enjeu artistique, certains peintres se refusent alors à placer leurs tableaux en victimes.

Christophe Boursault, Pattern Painter (installation à la galerie Porte Avion, 2008)

Christophe Boursault joue de cette position jusqu’au burlesque (ou l’idiotie, dans la lecture qui fait Jean-Yves Jouannais du philosophe Clément Rosset), se mettant en scène dans le rôle du peintre qui ne s’interdit rien, ni viscéralité ni lyrisme. Le coté pulsionnel, expressionniste, « intuitif », de sa peinture déborde en permanence dans un excès autant régressif que lucide face à cette posture surjouée, ce qui ne semble pas contradictoire avec le fait de la vivre.

Bärd Kristiansen, Sans titre, pastels sur papier, 51x65 cm, 2006

Bard Kristiansen cherche à dépasser la relecture post-moderne des genres académiques de la peinture (paysage, nature morte, abstraction) en l’investissant d’un pouvoir à interroger les critères instituées par chaque époque dans la détermination de la notion de gout. Refusant le principe de série ou de cohérence, il est une exposition collective à lui-même. Et il assume le poids excessif de la culture picturale comme un terrain privilégié de la négativité, usant de la capacité de la peinture à douter d’elle-même, jusqu’à se faire violence.

Dans le paysage que j’ai essayé d’esquisser ici, sans aucune distance, comme cela se doit, faut-il encore intégrer l’ensemble de ses positions à un contexte précis, disons historique, où des pratiques un temps négligés renversent aussitôt des choix artistiques dominants, à l’intérieur d’un terrain de jeu où chacun joue à être minoritaire. Entre les dispositifs éphémères refusant la production d’objets et la sculpture d’assemblage, l’ironie et le romantisme, il y a des tensions mouvantes. Le risque, s’il y en a un, serait que le changement de paradigmes artistiques puisse étrangement ressembler au lien indiscernable qui s’établit entre l’histoire sociale et la mode.

Pedro Morais, texte publié dans revue IF, septembre 2008

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