vendredi 25 avril 2008

Tamy Ben-Tor (Zach Feuer Gallery, New York)

Normal, 2006

Gewald, 2007

My characters are embodiments of non-existing entities. Sometimes they mirror my mind’s demons and sometimes I watch them unfold before me. I find it necessary to escape into another universe in which I am not myself and language isn’t used to deliver information. Nationalities and races are embodied in language and people’s identities are revealed through speech. The characters I portray are not real. However they are specific. I don’t speak about politics; I use them to invoke feeling just as I speak in different languages in order to reach a nonsensical outcome. This is because it is only through the specific and descriptive that a tension with the abstract can be formed.”

Merrily Kerr:
People are idiots. That is the takeaway from Tamy Ben-Tor’s second New York solo show, which offers four new videos that fearlessly skewer the racism and misunderstanding between not only Jews and gentiles, but among humans as a whole. Using characters too foolish to be believed (including obnoxious art-world denizens), Ben-Tor shifts targets between the ugliness directed at entire groups, and the relatively harmless shortcomings of her peers. Despite the title of the main piece, Gewald (translatable as “violence”), Ben-Tor skirts direct confrontation, or provocation for its own sake. Her characters are laughable enough to be dismissed along with our own culpability in prejudice. Yet stunningly acute insights slipped into fleeting scenes or absurd utterances—a Hasidic woman denying that anyone would ever want to hurt Jews; a ditzy Fräulein still “duped” by Hitler—allow Ben-Tor to lay bare our capacity for ignorance without getting on a soapbox. If these characters created by Ben-Tor (who just recently perfomed her live work, Judensau, at the Kitchen) are fantastical, her portraits of a frustrated curator, an artist laughing all the way to the bank and an arrogant art critic are also strangely off-kilter. Contrary to the supposed careerism of today, a frazzled curator can’t get artists to return her e-mails, while an aggravated critic who “doesn’t even like art, let alone love it” is hilarious but probably not too representative of her ilk. Will Ben-Tor’s jumbled characters actually prompt self-examination? That will be the test of how deep our idiocy runs.

Peter Coffin (Andrew Kreps Gallery, New York)

Untitled (Designs for Colby Poster Company), 2008, 80 Posters, letterpress ink on cardstock

Peter Coffin, You Are Me
Artist Robert Irwin has said of art: "What we are really dealing with is our state of consciousness and the shape of our perception." Coffin's practice playfully suggests that our inability to explain phenomena is perhaps more liberating than restrictive.

Roberta Smith:
Peter Coffin’s third solo show in New York confirms his penchant for a provocative generosity that fuses aspects of the work of John Cage, Michael Asher and James Lee Byars with strategies akin to those of the Pied Piper. It also emphasizes Mr. Coffin’s Duchampian inclination to use what is already out there, if not as intended. “You Are Me,” the show’s title, is from an ad that the artist Steve Kaltenbach placed in an issue of Artforum in the late 1960s. A sound piece in the foyer turns the gallery’s computer keyboards into musical instruments: bell-like notes chime when it, and the assistants, are working. The gallery’s office has been converted into a woozy Op Art rainbow paradise by a continuous row of graduated three-color posters familiar from rock ’n’ roll concerts, carnivals, kiosks and the work of Allen Ruppersberg. (They were made by the Colby Company in Los Angeles. The Colby logo appears on the prints, which use the Colby colors in all 80 possible combinations.) A video wall of 30 monitors showing mostly wild animals at play is a charming no-brainer. The centerpiece is an elaborate miniature roller coaster that is actually an operating dry cleaner (or coat check) conveyor belt installed upside down; its small tabs suggest a long, tiny train as well as the endless production of art. When the colorful bouquet of helium-filled balloons tied to one of them comes into view, the scale shifts shockingly: you will either see the apparatus for what it is or the balloons as monstrously giant. Either way, they are released skyward every day at closing time in front of the gallery, floating back into the wild, to play.

Jerry Saltz:
Peter Coffin is one of the best artists to emerge in New York in the last five years. In the past he’s sung to plants and pieced together rainbows. For his third New York solo show, Coffin is at the top of his form presenting a room-filling sculpture with an industrial conveyor belt that sports a cluster of balloons. (At the end of each day the balloons are released; you can sign up to release them yourself and appear in the piece’s eventual documentation.) The 80 psychedelic prints based on convention posters are excellent, and “Incidental Music,” in which the typing of the gallery staff is translated into sound that you can hear on the sidewalk, is a wonder. Coffin is a smart combination of magician, Pied Piper, philosopher, trickster, Bruce Nauman, and someone who just really cares about experience.

mardi 15 avril 2008

Quoi de neuf aux beaux-arts de Marseille?

Le moment de présentation des diplômes dans les écoles d'art fonctionne comme un sismographe : l'occasion d'observer les tensions qui traversent le champ artistique, les débats, le changement de paradigmes et de références, tout comme les modes et les discours dominants. Les étudiants sont les capteurs et les acteurs d'une négociation permanente entre leur singularité et la capacité à interpréter ces dynamiques d'ensemble.
J'ai participé au jury blanc des beaux-arts de Marseille pour le diplôme 2008 (DNAP) de troisième année. Qu’est-ce qui se détache de la quarantaine des présentations? D'abord, cette troisième année est nettement moins prégnante au niveau de la sculpture, contrairement à l'impression qui s'était progressivement installée ces toutes dernières années - celle d'une école où la sculpture semblait être le champ le plus dynamique, à l'image de la vitalité qu'elle démontre ailleurs actuellement. Les démarches les plus intéressantes se situent majoritairement du côté du son, de la vidéo et de la photo, tout en se détachant d'une fascination naïve pour le médium technologique, très fréquente dans le domaine des soi-disant "nouveaux médias". Il s'avère plutôt le contraire: ils font marcher des vieilles machines, réinvestissent des procédés aussi archaïques que la photocopie, ou donnent une seconde vie aux rétroprojecteurs.
L'une des propositions les plus fortes était celle de Cyprien Parvex de Collombey
, avec des portraits sonores de compositeurs traversant la salle comme des avions de chasse. Le plus surprenant concerne le fait d'envisager ici l'auditorium comme espace d'exposition. Par contre, peut-être dû à une formation classique au Conservatoire de Musique, on frôle parfois l'académisme dans le respect d'une séparation claire entre culture savante et culture pop (au moment où cette dernière est un sujet de réflexion fascinant, à l’exemple des recherches menées par les jeunes philosophes de Fresh Théorie). L'un de ses dispositifs, traitant de l'effacement progressif du son enregistré en temps réel, nous renvoie à l'un des axes persistants cette année: la déperdition, l'érosion des procédés technologiques. Une sorte d'archéologie contemporaine des machines de communication et reproduction, s'autorisant l'explosion au vol dans l'absurde. C'est peut-être le cas des sculptures-ordinateurs plongées dans l'eau ou le ciment (et toujours en fonctionnement) de Vivien Roubaud, qui redonnent une matérialité brute à des technologies numériques en voie accéléré de dématérialisation. Marie Colonna utilise le rétroprojecteur pour confronter l’intérieur et l’extérieur d’une sculpture-boîte à des codes couleurs identifiant les fréquences sonores, dans une installation sonore qui évoque la mise à distance du minimalisme. En parallèle, on trouve une utilisation revigorée de la photocopie avec le bon vieux format « fanzine » qui semblait avoir disparu à l’ère du blog ou myspace, à l’exemple de Aurélien Desvalogne et Margot Degert. Cette dernière envisage le dessin comme une technique virale de prolifération dans l’espace. D’autres utilisent le dessin story-board pour faire des films d’animation archaïques en stop motion, comme Justine Giliberto qui fait gonfler des cubes jusqu’à les transformer en ballons. Dans une installation étonnante, elle projette une vidéo à l’intérieur boîte blanche minimale, où d’autres boîtes blanches minimales, petites ou grosses, viennent accueillir des explosions de ballons. Au début cela n’a l’air de rien, ensuite tout y passe : préservatifs à l’hélium, peinture, mousse… Ou comment faire déborder la rigueur ascète du minimalisme dans une dramaturgie burlesque, basée sur des épisodes de répétition et accident. Salomé Bouloudnine ralenti tout effet comique dans une vidéo où les expressions d’un clown deviennent un catalogue des codes de jeu sociaux. Le morphing sert ici à faire une autopsie mélancolique. D’autres préfèrent le détournement ironique, au moment où celui-ci est en net retrait après des années de règne assuré : Samuel Trenquier transforme l’exposition en stand de vente de petits temples à la gloire de l’argent. Get rich or die trying. Les valeurs de la productivité vont jusqu’à proposer au client une culture de pommes de terre dans l’eau : la croissance accélérée au risque de la moisissure.
Dans l’ensemble, l’approche de questions politiques se trouve souvent envisagé sous l’angle de la consommation et de sa machine de guerre, la publicité. Nathalie Hugues transforme la peinture en stratégie de recouvrement : des affiches publicitaires deviennent des toiles pour des émeutes face à l’autorité d’astronautes en uniforme rouge. La peinture de Coline Casse emprunte au cinéma, à travers des diptyques qui confrontent plan frontal et vision surplombante, fonctionnant comme une table de montage. Dans l’un des tableaux, elle place le point de vue de la peinture comme on place une caméra, embarquée dans une gondole à Venise. Pour découvrir ensuite l’image romantique de cette ville envahie par une menaçante marée noire, rappelant la façon dont elle se trouve engluée dans des représentations touristiques. Dans le cas de Julia Delcambre, les corps en vitrine des panneaux publicitaires reflètent la ville et s’y reflètent, jusqu’à brouiller la frontière entre le réel et l’image : qui fantasme quoi ? est-ce que la publicité absorbe ou manipule les désirs ? Face à la surcharge urbaine de signes, Samuel Gratacap isole des personnages en attente, assez beckettiens, révélant surtout une certaine inventivité graphique.
L’un des traits communs concernant les travaux sur l’image est lié au fait d’utiliser la photo comme un outil d’analyse d’autres images. À travers une approche singulière du cadrage, Coralie Grandjean développe une réflexion conséquente sur la façon dont les projections idéalisées de la nature se trouvent projetées dans des contextes urbains, confondant paysage et décor, environnement et simulacre. Les questions inhérentes à la dialectique nature/culture semblent, décidément, immanquables, à chaque année des beaux-arts. C’est le cas cette fois-ci du travail de deux sculpteurs : la tour de Babel (ou de Tatline ?) instable, construite par le biais d’un assemblage éphémère de tasseaux de bois par Laura Cambond, ou le paysage de chaises démembrées et greffées pour redevenir des arbres, dans le cas de Stéphanie Ruiz.
Deux autres artistes mettent en place des univers plus nocturnes, se risquant dans la nuit comme un territoire déclassé, à l’abandon des règles. Dans ses photos, Sylvain Couzinet-Jacques se rapproche des personnages pour faire disparaître les contours de l’intimité dans le voyage ou la fête (1). Poussant les limites des zones d’ombre, Aurélien Lemonnier fait du cinéma un dispositif sensoriel, à travers la couleur et la texture des images, pour se confronter à la solitude et à la noirceur d’un romantisme plus sauvage.

(1) Il est par ailleurs l’un des seuls à s’être associé en collectif avec d’autres étudiants, faisant un usage d’internet plutôt rare jusqu’ici dans le contexte de l’école; à regarder sur Jack & Bill.

lundi 14 avril 2008

Ohad Meromi (Harris Lieberman, New York)




Ohad Meromi, Who Owns the World?
Meromi invokes a utopian modernist spirit, while exploring ideas of collaboration, improvisation, and community. He will install a large spatial construction consisting of four modular spaces. Each of the sculpture’s rooms signifies different aspects of interaction and communal living, while suggesting that the possibility of being able to physically step inside a model is in and of itself a simulation of a utopian experience. Fabricated entirely by the artist, the work draws upon manifold sources of influence, such as Constructivist set design, the early communities of the Israeli Kibbutzim as well as the austere aesthetics of late modern institutional architecture and public space. Each element of Meromi’s rough-hewn installation possesses a consistent aesthetic with an unfinished quality that reinforces the artist’s interest in creation as an ongoing process. Who Owns the World? features an installation of Meromi’s recent video work The Exception and the Rule I & II. Composed of two separate but related videos (Schitopolis, set in Israel, and Trois Gaules, set in France), the work depicts two interpretive rehearsals of an early Bertolt Brecht learning play. Enacted by the artist’s friends and family, the videos’ loose, improvisational formats reassert Meromi’s equation of the theatrical stage and the architectural model as spaces for communal creativity within scripted environments.

T.J. Carlin:
Artists who create political work face the challenge of addressing very particular points without losing the majority of their audience. This is the problem with Ohad Meromi’s highly interesting if somewhat impenetrable video-cum-installation. Rather than make overt statements, Meromi, an Israeli-American, highlights and theatricalizes the visual languages of several social and political groups—among them the kibbutz—without completely connecting the dots. This open-endedness is key to the work’s success but also makes it difficult to figure out what’s going on. The loose configuration of narrative elements explores the power dynamics of living and working communally. The videos show silent teaching plays, staged like Brechtian After-School Specials, while the majority of the gallery is occupied by a handsome skeletal wooden frame that looks like the base of an unbuilt house and serves as a milling area for viewers. It contains the props and costumes that appear in the video; the architectural structure itself carries strong modernist overtones, as do various maquettes and framed images placed throughout the space. Without knowing that the artist was born on a kibbutz, it’s difficult to decipher the sartorial and symbolic references in the show. The relationship between video and sculptural installation isn’t entirely clear. However, by assembling references to modernist thought and political frameworks in a loosely structured arena framed by the popular contemporary art language of performance documentation, the artist almost inevitably prompts the viewer to think about the role of work in a social context—a relevant issue indeed.

Andrea K. Scott:
Meromi’s work, like that of his fellow Israeli artist Guy Ben-Ner, combines low-fi home-movie aesthetics and collaborative production with highbrow references. A two-part video finds actors wandering the dry hills of Israel and the South of France, performing a “learning play” by Bertolt Brecht. An accompanying installation explores ideas of art and communal living via an open, modular, homespun construction. Meromi is so adept at synthesis that what might have appeared to be a shotgun marriage of incompatible modes—Brecht and kibbutz collectivism, Joseph Campbell mythologizing and modernist design—is actually seamless.